Actuellement la violence se répand de manière décomplexée, désinhibée, assumée, presque fière d’elle-même. En réalité un cancer mortifère qui s’auto-alimente.

Violences sur les réseaux sociaux, dans les écoles, entre bandes d’adolescents, faites aux femmes, contre des élus locaux et des permanences de parlementaires, lettres menaçant des députés, leur vie et leurs enfants, insultes antisémites ou xénophobes, effigies brandies sur des piques, violences contre les forces de l’ordre, violences de la part des mêmes forces de l’ordre, etc. Désormais 13 % des Français « approuvent » les violences contre les députés, et 60 % les « comprennent » ; face à la réforme des retraites, 20 % « approuvent » le « recours à la violence » (études CSA et Harris Interactive).

Cette violence multiforme vient de loin. Elle n’est pas uniquement, me semble-t-il, la « faute aux réseaux sociaux », ni uniquement imputable à tel ou tel.

Plus largement dans la société, cette violence diffuse est notamment nourrie par le « name and shame » (dénonciation de l’autre sur la place publique), et par la « cancel culture » (idéologie de la suppression) ; qui rappellent des pratiques médiévales. Peu importe ici la justice. Le jugement sans fondement des uns sur les autres tient lieu de bréviaire. Et l’anathème, la sanction tombent. C’est la mise au pilori et la destruction publique, presque joyeuses.

Plus fondamentalement, cette violence procède à mon sens de trois mutations conceptuelles majeures, engagées depuis plusieurs décennies :
– L’épuisement progressif de la distinction entre le « citoyen » et l’« Homme », portée notamment par la « Déclaration » de 1789 et par l’idée républicaine ;
– La substitution de la confrontation des opinions, du débat, à la volonté d’occulter les opinions « concurrentes » ;
– L’insoutenable altérité de l’autre : l’idée selon laquelle l’autre, en raison de sa différence, doit voir sa place, son influence réduites.

La convergence de ces trois mutations conceptuelles peut conduire au désir vertigineux de « suppression de l’autre », généralement au sens figuré, mais également parfois hélas au sens littéral.

Le respect de l’autre, le débat des idées, la consécration du pluralisme, la modération ne sont pas des valeurs innées. Elles constituent, pour celles et ceux qui le souhaitent, un combat toujours recommencé.

L’enjeu n’est pas uniquement démocratique mais tient à la manière d’être en société, à la possibilité de vivre en société.

Dans l’Antiquité, une partie des philosophes, de Platon à Marc Aurèle faisaient l’éloge de la « tempérance », portée au pinacle des « vertus cardinales ». Peut-être avons-nous collectivement besoin de nous ressourcer à cette philosophie antique, et également aux pères fondateurs de la République, ainsi qu’à quelques idéaux et règles de vivre-ensemble, voire à d’autres pensées non-européennes privilégiant l’harmonie.

Il y faudrait probablement le temps d’une génération.

 

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