On sait aujourd’hui de mieux en mieux cerner ce qu’est le burn out, cependant le processus reste complexe pour le faire reconnaître, puisqu’il n’existe pas de tableau de maladie professionnelle relatif aux affections psychiques.
Pour l’Organisation Mondiale de la Santé, le burn out est « un sentiment de fatigue intense, de perte de contrôle et d’incapacité à aboutir à des résultats concrets au travail ». Les députés français dans un rapport de 2017 le définissent comme un « ensemble de signes, de symptômes, de modifications morphologiques, fonctionnelles ou biochimiques. Par exemple ne plus dormir, ne plus manger, pleurer sans raison, redouter le retour au bureau, ne pas arriver à déconnecter… ».
Les causes du burn out sont multiples comme l’explique Dominique Lhuillier, professeur en psychologie du travail au Conservatoire national des Arts et des Métiers (Cnam), interrogée par le magazine Challenges :
-l’intensification du travail qui en mettant l’accent sur la performance, peut créer un surengagement des salariés,
-le développement du reporting, synonyme de multiplications des contrôles,
-une instabilité chronique des organisations, renforcée par la transformation numérique.
Et chaque burn out est unique, donc chaque solution pour aboutir à une guérison l’est aussi.
Il est encore trop tôt pour évaluer les conséquences de la crise sanitaire sur les salariés concernant leurs troubles psychiques, néanmoins quelques chiffres interpellent :
-Le taux de burn out a doublé en un an (mai 2021, enquête Opinionway pour Empreinte Humaine)
-Les indicateurs de l’état psychologique des salariés demeurent par ailleurs inquiétants, avec 44% des salariés en détresse psychologique, selon la même enquête qui révèle que six salariés sur dix estiment que leur direction « ne se rend pas compte de l’état psychologique des salariés et n’agit pas en fonction »
Trois types de population semblent particulièrement touchés par le burn out suite à la pandémie et aux confinements successifs :
1.Les télétravailleurs :
Avec la systématisation du télétravail depuis plus d’un an, la frontière entre vie professionnelle et vie personnelle est devenue plus poreuse, ce qui peut favoriser une surcharge puis un épuisement au travail. De plus les interactions sociales (collègues, amis, famille…) ont disparu et ne sont pas encore revenues à leur niveau antérieur, les loisirs également ; et donc logiquement les risques de troubles psychiques sont plus élevés
- Les managers :
Peu ou pas formés au management à distance, confrontés à une augmentation de leur stress, plus de la moitié se déclarent en détresse psychologique. Et six sur dix disent ne pas pouvoir faire leur travail comme ils le souhaiteraient, toujours d’après l’enquête Opinionway de mai 2021
- Les jeunes :
Il est plus difficile en début de carrière de poser des limites, donc de se préserver. Et avec le télétravail il y a moins de discussions ou de pause-café avec les collègues, moins d’occasions de lien social après avoir terminé sa journée.
Transversalement, les confinements et le télétravail ont également accru l’hyperconnexion numérique, avec la sensation d’être submergé de courriels et de notifications venant des différents outils collaboratifs. La généralisation du travail à distance a aussi transformé les habitudes en gommant davantage les frontières entre vie personnelle et professionnelle : dès le réveil les collaborateurs sont de plus en plus nombreux à parcourir leur boîte de réception électronique. Pris dans un cycle de réactivité ils cherchent à surcompenser l’absence de rencontres physiques en envoyant des messages et en répondant sans délai.
Où en est-on en termes de prévention ?
Selon une enquête de 2019 menée par l’Agence Européenne pour la sécurité et la santé au travail, la France (43%) se situe légèrement au-dessus de la moyenne européenne (35%) pour évaluer les risques psychosociaux mais les mesures de prévention restent très minimes : seulement 29% des entreprises françaises ont mis en place des Plans d’action de prévention contre 51% en Suède et 57% au Royaume-Uni.
D’après le Baromètre Prévention Santé des salariés réalisé par l’IFOP pour Back Office Santé (mars 2021), un décisionnaire RH sur deux (52%) dit rencontrer des obstacles lorsqu’il souhaite communiquer sur les enjeux de santé au travail. De leur aveu, les principaux freins à ces campagnes de prévention sont :
-Le manque d’intérêt des collaborateurs,
-L’appréhension des collaborateurs à communiquer sur leur état de santé sur leur lieu de travail,
-La difficulté de mesurer un retour sur investissement de ces actions de prévention.
Néanmoins, la crise sanitaire a très fortement augmenté les demandes de formations par et pour les entreprises, preuve d’une prise de conscience de plus en plus importante sur le sujet (formation au management à distance et hybride, lignes d’écoute offertes aux salariés, ateliers de sensibilisation sur des thématiques spécifiques…)
Des grandes aux petites structures, de nombreux employeurs prennent conscience de l’importance de la santé mentale au travail. Plus les dirigeants, RH et managers seront formés à la prévention en termes de santé mentale, moins les burn out seront stigmatisés et stigmatisants car plus visibles :
« La prévention primaire, c’est-à-dire informer les travailleurs (et les employeurs) sur ce qu’est le burn-out, sur les symptômes, sur les outils de gestion du stress qui existent, c’est comme un vaccin », d’après le psychiatre Nicolas Clumeck. « Comprendre ce qu’est le stress, en être conscient, savoir mettre ses limites, se relaxer, avant que cela n’aille trop loin ». Une prévention qui, à ses yeux, pourrait se faire dès l’école, avant l’entrée des jeunes dans la vie active. Alors, la méditation en classe comme le pratiquent déjà certains professeurs, ce n’est pas une mode de bobo branché ? « Pas du tout, estime le psychiatre, mieux comprendre les émotions et leur fonctionnement, et comment s’en protéger, c’est déjà un premier pas pour agir. »
L’augmentation du niveau de stress durant l’épidémie a logiquement contribué à l’augmentation du nombre de cas de burn out. En raison de l’explosion des sources de stress et de la baisse d’intensité des « facteurs de protection » (moins de liens sociaux, moins de projections vers des moments agréables…), le nombre de personnes stressées a considérablement augmenté.
A cela se sont ajoutées des relations professionnelles plus difficiles du fait de la distance et une porosité des sphères du travail et de la vie privée qui ont conduit à un doublement du nombre de cas de burn out entre mai 2020 et mai 2021 (cf partie 1/2 de l’article)
On distingue généralement plusieurs phases dans un processus de burn out :
–Une phase d’alerte, avec des moments très forts d’engagement puis de sur-engagement : la préoccupation du travail envahit tout, les personnes y sacrifient leur temps de repos et de récupération pour finir leurs dossiers ou répondre aux mails par exemple
–Une phase de résistance : soit les collaborateurs concernés ne comprennent pas, soit ils ne veulent pas voir ce burn out, soit ils n’ont plus le choix. Ils passent tout leur temps à rattraper ce qu’ils pensent être leur retard, à ressasser, à se préoccuper, ils sont dans une sorte de goulot d’étranglement
–Une phase d’effondrement : quand ce processus s’est engagé, cela conduit généralement à l’épuisement physique, psychique et émotionnel et souvent la perte du sens de son travail
Quels types de prévention ?
- Détecter les profils à risque
-Les collaborateurs qui veulent bien faire : ce sont souvent des personnes avec un souci de perfectionnisme et de contrôle de la situation, des gens consciencieux et concernés.
-Les collaborateurs qui traversent des périodes difficiles sur le plan personnel : si un collaborateur vit des moments compliqués au travail et est en plus confronté à des problèmes familiaux, il est beaucoup plus exposé.
- Détecter les signaux faibles
-En cas de burn out, on constatera un épuisement physique, psychique et moral : la composante physique étant souvent celle qui aidera à faire la différence avec une dépression (fatigue très intense, douleurs musculaires, tendineuses, ulcères, hypertension…)
-Tout est de plus en plus coûteux : la personne a de plus en plus de mal à se lever, à réfléchir, à contrôler ses angoisses
-Le collaborateur prend conscience de la baisse de son efficacité, ce qui vient aggraver son état moral : plus il travaille moins il est efficace, et moins il est efficace plus il travaille
-Enfin ce qui est très spécifique au burn out, c’est le sacrifice des temps agréables au profit des temps de travail : le collaborateur commence à percevoir ses temps de loisir comme du temps perdu par rapport aux tâches à faire (personnelles ou professionnelles)
- Cultiver la bienveillance
- Vis-à-vis des collaborateurs :
- Bien les connaître permet de savoir ceux qui traversent une période difficile sur le plan personnel et d’être attentionné à leur égard
- Être bienveillant dans son mode de management afin de diminuer le niveau de stress des collaborateurs et d’améliorer leur capacité à se réaliser dans leur travail : être vigilant sur le niveau des objectif fixés, le niveau d’autonomie, la finalité des missions, la formulation de retours positifs (ce point étant particulièrement important : l’absence de ces retours d’information constructifs pouvant susciter le sentiment d’être moins apprécié au travail), la reconnaissance de ses éventuelles maladresses comportementales, l’effort pour être perçu comme juste
- Vis-à-vis de soi :
- Apprendre à mieux se connaître, à fixer ses limites et soigner sa sphère privée
- Savoir mettre son cerveau en mode pause et mettre fin à l’hyper connectivité
- Et oser demander du feedback à son supérieur
C’est notamment en prenant soin de soi que l’on pourra prendre soin d’autrui.
- Mettre en place des actions
Inviter ses collaborateurs à évacuer la pression est une démarche qui séduit de nombreux dirigeants, d’autant que la mise en œuvre d’actions concrètes est une façon de prouver leur engagement dans une démarche de prévention des risques psycho-sociaux
-Les séances de Sophrologie :
Cette méthode permet d’activer des ressentis agréables afin de retrouver rapidement un état de bien-être et développer ses aptitudes. Pour cela, elle utilise différentes techniques inspirées d’un grand nombre de concepts thérapeutiques : hypnose, relaxation, yoga…
Durant les séances le sophrologue propose des exercices reposant sur la respiration, la décontraction musculaire et la visualisation d’images positives (souvenirs, projections…). Méthode exclusivement verbale et non tactile, elle s’adapte à chacun et s’intègre facilement au cadre professionnel.
La sophrologie permet de désamorcer les risques de burn out sur 3 niveaux : physique, émotionnel et psychique :
–Au niveau physique, elle apporte détente et relâchement musculaire
–Au niveau émotionnel, les exercices de respiration permettent de revenir rapidement à un état de calme et de bien être
–Au niveau psychique, ce sont les exercices de visualisation positive guidée par la voix du sophrologue qui vont permettre de se détacher des pensées envahissantes et des ruminations.
-Les séances de Méditation de pleine conscience
Basée sur les fondements de la méditation bouddhiste, la méditation de pleine conscience (Mindfulness) est un mouvement occidental thérapeutique ayant pour but d’apaiser le stress et l’anxiété, ainsi qu’à diminuer voire éliminer les effets de la dépression.
Le pilier de base de la méditation est de concentrer toute son attention sur sa respiration. En ne faisant que se concentrer sur sa respiration, on doit, de façon naturelle et sans forcer, ne penser à rien. Le but de la méditation de pleine conscience n’est pas de bloquer les pensées négatives, le but est plutôt de laisser ces pensées nous traverser, et de simplement ne pas les laisser nous affecter. Elle permet au subconscient ensuite de ne plus s’affoler à la venue d’une pensée négative, ce qui permet d’être beaucoup plus fort mentalement afin de ne pas ruminer des pensées négatives ou broyer du noir.
Cette méthode donne donc la capacité de faire face : elle conduit à prendre en compte uniquement les difficultés, et non les constructions mentales qui vont avec (« je suis le seul à ne pas pouvoir faire face, je ne suis pas assez efficace… »). Elle permet de repérer les signaux que le corps envoie, comme les voyants rouges dans une voiture.
Au fur et à mesure, cela devient une hygiène de vie, un rendez-vous. Dans le burn out il y a un oubli de soi : de son corps, de ses limites, de ses besoins. La méditation aide à les retrouver.
-L’importance de la Psychologie positive
Elle apprend à se permettre de prendre des bons moments : se détendre, ce n’est pas juste une récompense. Grâce aux moments de bonheur, on peut mieux traverser des passages difficiles ensuite pour retrouver de l’énergie vitale et du sens à sa vie.
Conclusion
Les neurosciences nous apprennent que le cerveau est « plastique », c’est-à-dire capable de se reprogrammer en fonction de ce que nous l’entraînons à faire : la charge mentale peut devenir notre alliée si nous savons l’utiliser pour gérer nos émotions.
Le contexte actuel, parce qu’il a augmenté les sources de stress et diminué les facteurs de protection a fragilisé certains d’entre nous. La vigilance vis-à-vis des personnes qui nous entourent tant au niveau personnel que professionnel est primordiale. Faire un burn out n’est pas un synonyme de faiblesse mais de fragilité et la fragilité est la caractéristique de l’humain.